La femme de minuit
Elle venait d’un petit village isolé dans les bois. Ce village était situé entre un vaste océan qui s’étend à l’infini, et de géants de rocs qui gratte le ciel avec leurs pointes enneigées. Lena habitait dans ce village. Elle était la fille du Shaman. Elle était aussi appelée la femme de minuit. Chaque nuit de pleine lune, elle s’écartait au recoin du village, gravissait les terrains dénivelés et se rendait sur le pic qui regarde l’océan. De là, la poussière se soulevait au rythme de ses pas. Ses perles menaient la musique en sautant de haut en bas sur son cou. Comme une toile mouillée qu’on tordait, son corps se mouvait dans tous les sens. De loin les villageois la regardaient en pensant que les esprits l’ont réclamé. Sa folle danse réveillait les regards inquiets du petit village.
« Elle va nous attirer des malheurs, cette fille. Norak parle à ta fille », un villageois lança.
« Je ne crois pas que parler aiderait. Elle n’est plus des nôtres. Il faut qu’on la fasse partir », ajouta un autre.
Dans tout cela, Norak ne fait que soupirer, car il connait la raison de la folle attitude de sa fille. Lena dansait de minuit jusqu’à l’aube à chaque pleine lune. Elle fait ceci pendant 48 lunes. À la 49e lune, son vœu s’exauça, mais pas de la façon qu’elle le désirait.
Lors de la 49e lune, Lena dansait comme d’habitude, mais elle a tordu sa cheville pendant un de ses sauts. Elle était obligée d’arrêter. Elle décida de retourner au village en boitant sur une jambe. Elle marchait dans le silence de la forêt qui séparait le village du pic pointant vers l’océan. Haut dans le ciel, la lune faisait briller sa lumière argentée sur les arbres et le sol, qui leur donnait un certain ton bleuté. L’atmosphère du sentier sur lequel Lena marchait était différente de celle d’habitude. Le chemin n’était plus le même. Elle voyait son village de loin, mais chaque pas qu’elle prenait semblait la faire reculer. Ces derniers résonnaient dans l’obscurité. Son cœur commençait à battre comme si elle était encore en train de danser. Il résonnait comme des tambours à ses oreilles, la rendant sourde de tout bruit. Soudain, les tambours se sont arrêtés, laissant place à un craquement de brindilles qui résonnait derrière elle. Elle ne voulait pas se retourner, mais elle n’avait pas le choix quand ce craquement prenait de la vitesse et devenait plus forte. D’un mouvement brusque, Lena se retourna, mais il n’y avait que l’ombre de la forêt. Elle sentait la présence de quelque chose. Elle se sentait comme une proie à la merci d’un prédateur agile dans son art de chasse.
« Calme-toi, ce n’est que la forêt », elle murmurait en marchant plus vite vers son village.
Le craquement a repris au moment qu’elle se retournait, mais avec une vitesse de plongée d’un faucon. En un instant, elle se retrouve les yeux vers le ciel dans les bras d’une créature qu’on aurait dit sorti d’une légende à faire peur aux enfants. Ses yeux étaient comme ceux d’un léopard. Elle avait l’impression qu’ils regardaient dans son subconscient et analysaient chacune de ses pensées. Les mains qui la tenaient étaient aussi douces que la laine de mouton, mais les extrémités cachaient des griffes aussi longues que les serres d’un aigle. De la hauteur où elle se trouvait, on aurait dit que cette créature était aussi géante que les rocs qui surplombaient le village. De là où elle était, elle pouvait voir la pointe des arbres qui ressemblaient à des lances sous les lumières de la nuit. La créature se mit à parler. Sa voix était si forte qu’elle résonnait à travers le corps de Lena comme des vagues formé lorsqu’on dérange l’eau à son état paisible. En même temps, elle était douce comme une mélodie où on est étrangement enivré et désireux d’en entendre plus.
« Je suis ravie de toutes tes danses pendant toutes tes nuits. Il n’est pas sage que ma femme marche blessée à sa demeure. »
« Femme ?! » répondit Léna d’une voix tremblante, « Ces danses que je faisais n’étaient que pour la santé de mon père. Je ne voulais pas… Ne croyais pas que je pouvais être mariée à un esprit. »
« Oui je le sais », la créature répondait de sa voix forte « mais j’ai pris plaisir en toi. Je t’ai pris comme possession. Tu es à moi. Tant que tu es à moi, ton père vivra. »
Ne sachant quoi dire, Lena restait bouche bée.
« Je t’attendrai à la prochaine lune, ma bien aimée. Tout autant que tu danses, tu recevras tout ce que ton cœur désire. »
Comme si c’était un rêve, Lena se réveilla dans sa chambre. Ses bras avaient encore les marques de la créature. Ça confirmait que ce qu’elle a vécu pendant la nuit n’était pas un rêve, mais bien la réalité. La coutume du village demandait que les femmes mariées se couvrent la tête. Lorsque son père lui demanda si elle s’est fiancée, elle ne répondit rien à part :
« Je suis la femme de minuit ».